Le Calame : Vous avez, comme de nombreux Mauritaniens suivi la prestation du président de la République sur la TVM. Vous n’y avez pas pris part, contrairement à certains de vos collègues présidents de partis ; quelles impressions vous a-t-elle laissées ? Pourquoi Messaoud ould Boulkheir s’est fait représenter par le S.G. de son parti ? L’argument juridique avancé par le président pour justifier sa décision de recourir au référendum vous parait-il fondé ?
Messaoud ould Boulkheir : Vous avez parfaitement raison de considérer que l’évènement a été très suivi par la grande majorité des Mauritaniens, comme à chaque fois que M. le président s’est livré à un tel exercice. S’agissant de mon absence, contrairement à certains de mes collègues, je vous signale que je n’ai jamais assisté à aucune des nombreuses autres précédentes.
L’impression que cela me fait est que de nombreuses questions ont trouvé des réponses. Je ne comprends pas le sens de la question à propos de ma suppléance par le S.G. du Parti à une cérémonie où ni lui ni moi étions présents.
S’agissant enfin du dernier volet de vos multiples questions en une seule, je considère l’argument fondé du point de vue de la Constitution, de la Loi, de la Justice, de la Logique politique, de la Morale et qu’en ce qui concerne le FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS, les Etats qui ont fondé et développé la Démocratie et que d’aucuns brandissent à l’envi, tantôt comme référence sacrée et tantôt comme épouvantail profane, n’ont jamais souscrit à son arrêt et certainement pas quand il s’agit de demander l’arbitrage du seul Souverain après Allah, j’ai nommé le Peuple.
En démocratie, l’avis du Peuple est le seul qui compte réellement et se mettre en travers de son expression est une position on ne peut plus antidémocratique.
- Cette sortie présidentielle est intervenue au lendemain du rejet par le Sénat des amendements constitutionnels préconisés par l’accord du 20 octobre. Le président a finalement opté pour le référendum que vous réclamiez. Etes-vous satisfait de cette décision ? Si oui APP battra-t-elle campagne ?
- Je suis bien évidemment satisfait comme le sont certainement tous les vrais démocrates et les vrais patriotes et cela pour deux raisons au moins :
a)- Ce vote ferme automatiquement la voie du raccourci du Congrès Parlementaire qu’avait privilégié la Majorité présidentielle contrairement à la résolution finale du Dialogue.
b)- De fait, il s’ouvre ainsi pour la résolution du problème, la seule voie du REFERENDUM que M. le président a toujours le droit de convoquer, d’une manière ou d’une autre, pour faire passer ou retoquer par le Peuple souverain les propositions qu’il lui suggère.
Alliance Populaire Progressiste et donc acquise au Référendum et est prête à s’y impliquer totalement et donc à mener campagne.
- En optant pour le Congrès parlementaire pour faire voter les amendements constitutionnels, le gouvernement avait évoqué le coût de l’opération (6 milliards d’ouguiya). Vous en a-t-il parlé lors de votre dernière rencontre ? Si oui qui pourrait financer cette opération ?
- Lors de la rencontre qui a précédé celle que vous évoquez, il m’avait dit qu’il n’y avait pas de problème de financement du Référendum mais tout au plus une opportunité d’économie et d’affectation pour des actions d’utilité publique plus prioritaires. J’en déduis donc qu’il n’ira pas chercher des financements en dehors du Budget de l’Etat.
- A votre avis le vote des Sénateurs est-il de nature à sauver la démocratie mauritanienne de la « dérive » ou tout simplement un geste alimentaire, comme le croient certains ?
- Il est un signal fort du dynamisme positif de la démocratie balbutiante de notre Etat naissant puisqu’il brise le mythe de l’inconditionnelle majorité, automatique, aboulique, silencieuse et sans conscience ; a contrario, il ouvre grandement les portes du choix conscient, de l’engagement volontaire et de la responsabilité assumée qui sont en définitive les seuls critères du patriotisme, de la citoyenneté et du militantisme véritable qui seront, à terme, les seuls vrais remparts contre les dérives de l’autoritarisme.
- L’Opposition dite « radicale » s’est vite réjouie de l’acte des Sénateurs et a appelé à un nouveau Dialogue avec le Pouvoir, ce que le Président a rejeté dans sa prestation. Etes-vous favorable à un nouveau dialogue inclusif cette fois-ci ? Et à quoi il pourrait servir au pays ?
- Pour le moment sa requête n’a été adressée qu’au Président et il a donné sa réponse. Je donnerai la mienne quand cette opposition là me fera la même proposition, puisque au vu des informations dont je dispose, elle m’exclut du dialogue qu’elle revendique.
- A la veille du dernier dialogue, vous avez rencontré les responsables du FNDU et du RFD pour les convaincre, vainement d’y prendre part. Est-ce à la demande du président Aziz ou une décision personnelle ? Ensuite sur quoi ont porté vos divergences ? Et qu’est ce qui est, à votre avis, à l’origine des bisbilles récurrentes entre Messaoud ould Boulkheir et les autres leaders de l’opposition qualifiée de radicale ?
- Au départ l’initiative a toujours été personnelle, mais mes contacts avec le Président et eux (RFD et FNDU) ont fait de moi naturellement un intermédiaire censé déceler ce qu’il croit être les points de divergences ou de blocage et de s’en ouvrir forcément à chacune des parties dans l’espoir d’arracher à l’une ou à l’autre une concession, même minime, allant dans le sens du rapprochement. Si au niveau de l’opposition, le problème du manque de confiance est omniprésent et sert d’exutoire à tout, surtout au R.F.D. ; au F.N.D.U. on perçoit, malgré ce manque de confiance affiché, une très timide et frileuse tendance au compromis qui n’attend pour s’afficher qu’un premier pas d’un membre du groupe…Ce premier geste d’un premier du groupe se faisant attendre, on se perd en conjectures et on tâtonne. C’est entre autres ce qui explique que les points de blocage et de divergences sont allés de l’exigence d’une réponse écrite du gouvernement, pour aboutir à l’exigence de prendre connaissance de la plateforme élaborée par la majorité. Ces deux conditions allaient d’ailleurs vite être dépassées à leur tour au profit d’un FRONT DE REFUS DE TOUT DIALOGUE tant que des mesures coercitives n’auront pas été prises par le Président à l’encontre des ministres ayant suggéré la possibilité pour lui de briguer un 3ème mandat… Cette volte-face est intervenue pour faire opposition à l’accord donné par le Président s’agissant de la mise à leur disposition du contenu de la plateforme de la majorité, une décision que j’avais pris le soin de leur communiquer.
La seule raison objective de ce que vous appelez nos «bisbilles» que je privilégie au détriment de très nombreuses autres tout à fait subjectives, est notre différence d’approche relativement au Dialogue.
- L’Opposition aurait-elle une chance de gagner en 2019 ? Si oui à quelles conditions ?
- En politique, tout est possible et rien n’est intangible. La clé de toute réussite est la foi, le travail et une dose de chance.
- En vous opposant à l’introduction de la question du 3ème mandat pour l’actuel président dans les thématiques du dernier dialogue, le pouvoir a justifié ce refus par le fait qu’il n’a pas été proposé la modification de l’article relatif à l’âge des candidats à la présidentielle qui aurait pu vous permettre de compétir en 2019, êtes-vous demandeur ?
- Je crois que la question est mal posée car la question qui n’a pas figuré dans les thématiques du Dialogue est bien celle se rapportant au 3ème mandat et non celle relative à l’âge qui en fait bel et bien partie. Ceci étant dit, j’aurais été demandeur en 2019 si la restriction de l’âge avait été levée, mais qui peut prédire avec certitude que les élections présidentielles ne se dérouleront pas avant cette échéance ?
- Dans une interview sur France 24 le président Mohamed ould Abdel Aziz qui ne peut plus se présenter n’a pas exclu de soutenir un candidat, et lors de sa prestation télévisée du mercredi il a affirmé qu’après son mandat, il restera en Mauritanie et continuera à faire de la politique. Quel commentaire vous inspirent ces déclarations ?
- Ces déclarations me semblent de droit car en sa qualité de citoyen, ces activités lui restent acquises tant qu’un autre président ne viendra pas les lui interdire par le biais d’une révision de la Constitution et tant que le soutien de son candidat ne se fait pas aux frais des Finances et des moyens de la Collectivité nationale.
- Le gouvernement vient de faire adopter un projet de loi qui incrimine la discrimination, comme il a institué, il y a peu, un tribunal contre les crimes de l’esclavage, ceux de la torture… Pensez-vous que ces moyens sont de nature à répondre aux nombreuses revendications à caractère communautaire auxquelles on assiste depuis quelques années ?
- La loi qui stigmatise l’interdit et l’institution en charge de juger et de réprimer les contrevenants sont toujours utiles et ne seront jamais superflues, mais ces mesures resteront tragiquement insuffisantes en l’absence d’une volonté politique réelle. J’avoue que c’est cette volonté politique qui manque le plus à tous les niveaux de la hiérarchie de l’Etat, mais aussi à ceux des strates de la société. Il est malheureux que tout le monde semble ne prêter qu’un regard fuyant et une oreille distraite à l’imminence du pire des dangers qui menacent notre existence.
- Que pensez-vous du Manifeste des Haratines ?
- Ses fondateurs sauront répondre à cette question beaucoup plus et mieux que le simple observateur que je suis.
- Ahmed Ould Samba est l’un des jeunes cadres d’APP, qui vous voue respect et admiration ; c’est du moins ce qu’il a affiché dans le dernier Calame. Il vient d’écrire sur sa page facebook qu’il n’exclut pas de se lancer dans la course pour la présidentielle de 2019 pour parachever l’œuvre de l’inégalable Messaoud, comme il vous qualifie. Vous en a-t-il parlé ? Si oui, comment avez-vous réagi ?
- Le droit de se présenter à toutes les fonctions est reconnu à tous les membres du Parti, pour le reste de la question c’est auprès de l’intéressé qu’il faut chercher la bonne réponse.
- L’opposition dite radicale estime que les amendements constitutionnels sont loin d’être une priorité pour les mauritaniens, frappés de plein fouet par une crise socio-économique profonde, la flambée des prix des produits de première nécessité, le chômage des jeunes, l’insécurité galopante, la gabegie…. Partagez-vous ce tableau peu reluisant ? Ne craignez-vous pas les 6 milliards du référendum ne viennent alourdir la dette du pays, donc affecter davantage la vie des citoyens ?
- Mes propres analyses de la situation générale du pays, hier comme aujourd’hui, ont toujours précédé toutes les autres, qu’elles soient orales ou écrites. Si vous cherchez, vous les trouverez sûrement.
- Les relations entre notre pays et ses voisins immédiats, le Maroc et le Sénégal ne cessent de se détériorer. Qu’en pensez-vous. ?
- Si ce que vous avez l’air d’affirmer se vérifie, ce serait vraiment dommage car notre survie en tant d’Etat dépendra des bonnes relations que nos dirigeants ont l’obligation morale et politique de sauvegarder, coûte que coûte, avec tous nos voisins dont la survie dépend aussi de la nôtre.
- Que reste-t-il de la CUPAD ? Comment en êtes-vous arrivés là ?
- Tous ses fondateurs continuent heureusement d’exister, chacun indépendamment des autres, sans aucune animosité mais aussi sans volonté de retour.