Le Calame - Il y a quelques jours, le gouvernement mauritanien a adopté, en Conseil des ministres, un décret précisant la date du referendum au cours duquel divers amendements constitutionnels seront soumis à l’avis du peuple.
Sur la constitutionnalité de cette procédure, les spécialistes ne semblent pas d’accord. Pour certains, rien ne permet, au Président, de faire usage du fameux article 38, puisque la question est suffisamment explicitée par les dispositions des articles 99, 100 et 101 du chapitre II, justement intitulé : « De la révision constitutionnelle ».
Pour d’autres, le président de la République a totalement le droit, après avoir été copieusement congédié par les sénateurs, de recourir à l’esprit de l’article 38, pour consulter le peuple sur toute question d’importance nationale.
Toujours est-il que, sauf rebondissement de dernière minute, un référendum consultatif sera organisé le 15 Juillet prochain. Le Trésor public va y mobiliser six à sept milliards d’ouguiyas.
De l’argent qui aurait certainement pu servir à plus important. Mais apparemment, le gouvernement a, sur les questions d’importance nationale, ses raisons que la raison ne connaît pas.
Si, comme le soutiennent ses zélateurs, l’article 38 permet, dans l’absolu, au président de la République, de consulter les citoyens sur toute question qu’il juge d’importance nationale, n y a-t-il pas à craindre que cela ouvre le champ à toutes sortes de dérives, jusqu’à faire voler en éclats quelques verrous constitutionnels, comme, exemple au hasard, la limitation des mandats présidentiels ? Ah, l’intérêt national à la seule discrétion de Président-fondateur...
Le 15 Juillet prochain, les Mauritaniens répondront, par oui ou non, à la suppression du Sénat et de la Haute Cour de justice, en plus de quelques autres changements à apporter au contenu de l’hymne national et à la forme du drapeau.
Les arguments avancés, par le gouvernement et ses soutiens, ne suffisent pas à justifier ni la pertinence ni l’urgence de ces choix. A deux ans de la fin de son dernier mandat, le président Mohamed Ould Abdel Aziz et son gouvernement devaient, plutôt, s’acharner à préparer une scène politique nationale apaisée ouvrant à une alternance pacifique du pouvoir, à l’issue d’une élection présidentielle transparente.
Se faisant, l’ancien général aurait véritablement réussi sa reconversion en véritable démocrate et, cerise sur le gâteau, une courageuse sortie par la grande porte, avant d’aspirer à rejouer un destin national, sinon international.
Le cas échéant, il se serait inspiré du célèbre adage populaire selon lequel « il faut écouter la parole de ceux qui te font pleurer plutôt que celle de ceux qui te font rire ». Puisqu’en cas de problème – l’Histoire est là pour nous le rappeler – problème, ceux-ci te laisseront seul et te voueront aux gémonies, en exigeant, sans honte ni regret, à tes successeurs militaires ou civils, de te mettre la corde au cou. Aujourd’hui, une grande partie de la classe politique est hors du jeu.
Rien ne sert de chercher à en situer la responsabilité. Elle est certainement partagée. Cependant, celle de rassembler tous les acteurs politiques nationaux autour d’une même table, pour discuter sérieusement, sans a priori, appréhension ni préjugé, de toutes les questions d’importance nationale, n’incombe qu’à ceux qui détiennent le pouvoir. Pour cela, il faut d’abord s’écouter. Ensuite, se retrouver.
Et être, enfin, capable de faire des concessions. Si tant est, comme le prétendent les uns et les autres, l’intérêt national est la seule motivation. « Celui dont le dîner et le tien sont dans la même calebasse, s’il veut le renverser, ne le laisse pas faire », nous rappelle un autre dicton.
Si – ne plaise à Allah ! – la Mauritanie tombe dans l’expectative, il n’y aura plus ni majorité ni opposition, ni référendum ni gouvernement. Tous les ingrédients de l’implosion sont là. Les autorités doivent réagir, avec des mesures courageuses… pendant qu’il est encore temps. La politique de l’autruche n’a jamais prémuni contre rien.
El Kory Sneiba