Présidentielle française : Macron en tête des sondages

Sat, 2017-05-06 00:37

En avril 2002, au 1er tour de la présidentielle, Jean-Marie Le Pen avait créé la stupeur en France en prenant la seconde place, avec16, 86% des voix, derrière Jacques Chirac qui se contente d'un modeste score, 19,88%.

Il est vrai que Jacques Chirac était le président sortant d'un gouvernement de « cohabitation » : les socialistes ayant remporté des élections législatives, avaient imposé comme Premier ministre, Lionel Jospin. Mais comme les différentes sensibilités de gauche avaient présenté plusieurs candidats, Lionel Jospin, avec seulement 16,18% des voix avait été éliminé.

Entre les deux tours, l'opinion publique avait très vivement réagi à cette introduction surprise du Front national dans le jeu politique français. De très nombreuses et massives manifestations avaient été organisées dans tout l'hexagone. Début juin au second tour, Jacques Chirac est plébiscité, remportant 82,21% des voix contre Jean-Marie Le Pen avec 17,79 % des scrutins. Mais le Front national devient un acteur durable de la vie politique française.

15 ans plus tard, et passé trois mandats présidentielles, le 1er tour de l'actuelle élection présidentielle a vu apparaitre quatre camps principaux :celui d'Emmanuel Macron, jeune candidat « centriste », Marine Le Pen qui a pris la succession de son père, François Fillon qui mène une mauvaise campagne pour la droite et Jean-Luc Mélenchon qui incarne une gauche plus contestataire que le Parti socialiste dont le candidat benoît Hamon qui ne réunit que 6,36% des votes.

Comme en 2002, à peine 3% des voix ne sépare au 1er tour les deux candidats à la présidentielle : Emmanuel Macron a recueilli 24,81% des voix contre Marine Le Pen, seconde avec 21,30 %. Mais les sondages indiquent que l'écart entre les deux postulants sera bien plus faible que le second tour de 2002.

D'après plusieurs organismes de sondages (Cevipof/Ipsos, Elabe), Emmanuel Macron est crédité de 59 % des intentions de vote pour le second tour de la présidentielle, contre 41 % pour Marine Le Pen.

Celle-ci a reçu le soutien de Nicolas Dupont-Aignan, candidat « gaulliste » et méfiant vis-à-vis de l'actuelle Union européenne, dont elle ferait son 1er Ministre en cas de victoire.

18% des électeurs se déclarent toujours « indécis ». Autre variable, l'importance de la participation des Français à ce vote. Selon certains sondages, l'abstention approcherait les 30% dimanche, bien au-delà des chiffres enregistrés au second tour lors des précédents scrutins présidentiels, mis à part 1969 (31,1%).

Ainsi, après avoir annoncé « pas une voix pour Marine Le Pen » et sans donner de consignes de vote, Jean-Luc Mélenchon a interrogé via Internet les militants de son mouvement. Au résultat de la grande consultation des « Insoumis », seuls 35% s'apprêtent à voter Macron, les autres choisissant l'abstention ou le vote blanc.

Gouvernement de cohabitation, de coalition…

Emmanuel Macron et Marine le Pen se sont affrontés hier soir à 21heures, lors d'un face-à-face de deux heures et 20 minutes. La présente édition ne peut donner le contenu de l'affrontement. Mais les derniers jours de cette très longue campagne (qui a commencé avec la primaire de la droite en novembre dernier), ont été marqués par un durcissement du débat entre les deux finalistes. Emmanuel Macron a beaucoup attaqué sa rivale sur le peu de clarté de sa future politique européenne. Après avoir prôné la sortie pure et simple de l'UE, Marine Le Pen a plus prudemment demandé des négociations (très improbables) entre les 27 états-membres pour une réforme de l'Union européenne, la candidate du Front national s'est finalement rabattu sur un référendum en France pour interroger les Français sur une éventuelle de la France de l'UE. Après le Brexit, le Frexit. Mais si les Français sont très critiques vis-à-vis de l'Union européenne, une sortie de l'UE voire simplement de l'Euro en inquiètent beaucoup… Emmanuel Macron a également beaucoup attaqué Marine Le Pen sur sa politique économique qu'il juge beaucoup trop dépensière, irréaliste voire dangereuse dans le contexte économique international.

A l'inverse Marine le Pen a continué à mettre en avant, par conviction ou par calcul, les demandes sociales des Français et a critiqué la modestie ou l'imprécision du programme de son concurrent dans ce domaine. Elle a beaucoup insisté dans ces derniers jours de campagne sur des sujets sensibles dans la société française comme la sécurité ou le contrôle de l'immigration. Plus généralement, la dernière phase de cette élection a vu l'affrontement du mondialiste Macron contre la souverainiste Le Pen ; du très libéral candidat d'En Marche, contre l'étatisme en matière économico-social que défend la candidate du Front national.

Il y a enfin le choc de deux personnalités. Les deux candidats sont de bons orateurs mais il faut qu'il « présidentialise » leur image, « au-dessus des partis et des clivages partisans». Mais Marine Le Pen est capable d'emportements très polémiques et Emmanuel Macron, d'engouements rhétoriques parfois ou très exaltés ou peu compréhensibles sur la ligne réelle qu'il suivrait comme président.

Si Marine Le Pen n'a reçu de nouveau soutien que celui de Dupont -Aignan, Emmanuel Macron « ni de droite, ni de gauche » a reçu de très nombreux soutiens de responsables des deux grands partis traditionnels, ces deux grande formation étant rentrées en crise en crise, le PS réduit à la proportion congrue, « Les Républicains » à droite, très secoué après la mauvaise campagne de François Fillon.

Au Parti Socialiste, c'est à la fois le Président sortant, François Hollande et son Premier Ministre, Bernard Cazeneuve qui a appelé officiellement les François à voter Macron, ancien ministre de l'économie de l'actuel gouvernement socialiste. La droite traditionnelle est plus partagée. Juppé et d'autres appellent à voter clairement pour Macron mais la plupart de ses leaders appellent d'abord à ne pas voter Marine Le Pen. Après plusieurs journées de débats, Les Républicains appelle à «voter contre Marine Le Pen» tout en précisant que «l'abstention ne peut être un choix» . Selon le président du Sénat Gérard Larcher, cette formulation permettrait d'éviter «l'éclatement» de LR.

Mais cette positions ne satisfait pas tout le monde notamment beaucoup de candidats députés aux prochaines législatives : « comment appeler à voter Macron au deuxième tour et à voter aux législatives, un mois après seulement après, contre ses candidats pour défendre les nôtres ? » s'interrogent-ils. Dans ce parti, après le départ des dirigeants historiques (Sarkozy, Juppé, Fillon…), c'est François Baroin, le Premier ministre hypothétique du candidat Fillon qui va diriger la bataille législative, persuadé que la droite peut gagner ses élections et imposer d'emblée un régime de »cohabitation » marquée par une opposition politique entre le président fraichement élu et la nouvelle majorité de l'Assemblée nationale. Au Parti socialiste, on serait plutôt favorable à une alliance avec le mouvement En Marche de Macron et un « gouvernement de coalition ». Reste le nombre d'élus que pourrait obtenir le Front National.

Donc, à part l'avance dans les derniers sondages d'Emmanuel Macron, beaucoup de questions restent en suspens sur le futur gouvernement de la France.

Par Pierre Morville (Le Quotidien d’Oran)