Le Calame - Le forum est vent debout contre les amendements constitutionnels, recommandés par l’accord du 20 octobre dernier et que le gouvernement semble déterminé à faire adopter par le Parlement. Ne pensez vous pas qu’en prenant part au dernier dialogue, vous auriez pu peut-être épargner au pays cet épisode?
Saleh Hanena : Notre participation ou non à ce dialogue ne changera pas grand-chose à l’agenda du pouvoir. Nous avons réitéré plusieurs fois notre demande du dialogue sérieux qui réunit autour de la même table le maximum possible de l’élite politique et de la société civile afin de sortir notre cher pays de la crise politique qui le menace dans son existence même.
Mais il a été clair pour nous au niveau du forum que le pouvoir a décidé des résultats du dialogue avant ses assises. Il a refusé toutes les garanties à travers lesquelles nous avons essayé de trouver un terrain propice à un dialogue sérieux qui profite d’abord au pays avant les personnes.
-Pensez-vous aujourd’hui que le peuple mauritanien pourrait faire comme ceux du Sénégal et du Burkina Faso, lorsqu’Abdoulaye Wade et Compaoré ont voulu « tripatouiller » les Constitutions de leur pays?
-Chaque pays à ses spécificités et le peuple mauritanien a démontré sans nul doute qu’il ne votera pas en faveur de ses modifications injustifiées. C’est pourquoi le pouvoir s’est vu obligé de faire recours au vote des parlementaires en vue de camoufler son incapacité politique et sa faible popularité.
-Parmi les amendements énoncés, figure la suppression du Sénat, dont l’opposition demandait la sa suppression. Auriez-vous changé d’avis ?
-Notre avis sur ce point était sans équivoque.
-Le changement du drapeau et des paroles de l’hymne national heurtent même certains partis dialoguistes. Partagez-vous leurs réserves? Que peuvent apporter au pays ses changements ?
-Nous pensons qu’il y a énormément de priorités plus urgentes que ces modifications et qui touchent directement les problèmes que vit le citoyen lambda
- Une délégation du forum a récemment rencontré celle de l’UE, venue à Nouakchott pour la revue économique annuelle. A en croire les médias et autres confidences, les mésententes, entre le pouvoir et vous auraient été évoquées. Pouvez-vous nous dire exactement de quoi vous avez parlé avec cette délégation ? N’aurait-elle pas exprimé son intention de jouer le facilitateur avec le pouvoir ?
-Je pense qu’il n’est pas possible de vous livrer des informations sur des discussions avec nos partenaires. Mais ce qui est sûr est que nous n’avons jamais refusé de s’assoir avec le régime sur la table du dialogue suivant nos conditions déjà exprimées.
-Si la tension politique persiste dans le pays, comment entrevoyez-vous les perspectives de la présidentielle de 2019 ?
-Nous pensons que les tensions sont les résultats des agissements du pouvoir et que les élections présidentielles de 2019 n’apporteront pas grand-chose de nouveau car le climat n’est pas encore propice pour des pratiques démocratiques au vrai sens du terme.
- Comment réagissez-vous à la sortie du président de la République qui, dans une interview, sur France 24, déclare qu’il supporterait un candidat à cette élection. Cette déclaration semble inquiéter l’opposition. C’est son droit, non ?
-Cette déclaration n’a rien apporté de neuf. Le président en place doit être à la même distance des candidats surtout dans un pays comme le nôtre où les électeurs pensent, à juste raison, que le pouvoir sanctionnera ses opposants.
- Les relations sont assez tendues, depuis quelques mois, avec nos voisins du Sénégal et du Maroc. La question du Sahara enregistre, elle aussi, quelques poussées. Que vous inspirent ces tensions à nos frontières ?
-Notre politique extérieure n’est que l’une des manifestations des actions inappropriées qu’entreprend ce régime.
- Les forces de l'ordre ont violemment dispersé le sit-in du forum et du RFD, organisé près du Parlement, le mardi dernier, pour protester contre les "tripatouillages" de la Constitution. Que vous inspire cette action de la police?
-Ce sit-in a été comme vous le savez pacifique et autorisé, ce qui est conforme à la législation en vigueur dans le pays. Mais les forces de l’ordre, c'est-à-dire le régime, ont eu recours à des méthodes que nous avons crues révolues depuis longtemps.
La mondialisation rend désormais la liberté d’expression monnaie courantes à travers le monde d’aujourd’hui. Mais, malheureusement, le régime en place tient encore à des pratiques ancestrales. Nous sommes et resterons toujours contre ces « tripatouillages » de la constitution et nous allons l’exprimer d’une manière civilisée et pacifique.
-Finalement, l'Assemblée nationale a approuvé, à une large majorité, la modification de la Constitution, le sénat pourrait suivre, le vendredi. Qu'allez-vous faire maintenant?
-Nous tenons, comme je viens de le dire, à exprimer notre refus catégorique, et celui de la majorité de nos compatriotes, de ces soi-disant modifications. Nous allons utiliser tous les moyens légaux possibles pour contrecarrer ces modifications infructueuses et illégales.
Propos recueillis par DL