- Les ennemis du public

Mon, 2017-03-13 08:03

Le Calame - Hélas ! Au moment même où la corruption fleurit et se développe, en l’absence de tout investissement dans des biens tangibles, le ministre de l’Economie et des finances affirme que la Mauritanie est en train de vivre les premiers signes d’une évolution économique.

Hélas ! Au moment même où le facteur humain trace un graphique sombre, au moment même où les infrastructures du pays correspondent à un niveau de vie trois fois plus faible, le peuple mauritanien choisit, lassé d’attendre le changement, la servilité, au lieu de revendiquer ses plus élémentaires droits. Le voilà donc à vivre sans vivre et profiter sans profiter de l’état présent des choses. Hélas, trois fois hélas !

Cependant, au moment même du laisser-faire et du laisser-aller – « عَفَا اللّهُ عَمَّا سَلَف » disent les militaires – une trop faible minorité du peuple mauritanien refuse d'être solidaire avec la violation de la démocratie, le pillage des deniers publics et la corruption des valeurs.

Comme tout le monde, mais avec le peu de dignité qui leur reste, ils en ont marre de la situation actuelle, de la gabegie, du pillage et du népotisme qui sont devenus la règle à laquelle personne n’échappe. 

Au cas où cela t’échappe, monsieur le ministre, une bonne partie de notre élite politique n’a d’autre emploi que de monter des business, autour des concours de recrutement, missions à l’intérieur ou à l’extérieur, politiques d’imposition, meetings politiques, commandes et autres services de l’Etat...

Ce n’est, par exemple, une surprise pour personne qu’après le Sommet de la Ligue arabe, les automobiles destinées à l’accueil des invités ont disparu dans la nature. C’est aussi loin d’une surprise, l’augmentation temporaire du dédouanement de certains produits, juste le temps qu’une personne précise ou un cercle précis en bénéficie. 

Trop d’impôt….

Monsieur le ministre, il est de votre responsabilité de relancer vraiment notre économie. Mais, en place de cela, vous n’arrêtez pas de jouer sur divers paramètres, comme l’augmentation de l’impôt et la réduction des dépenses publiques. 

Ce qui va à l’encontre des recommandations de Keynes. Je ne sais pas si vous partagez cet avis, mais, pour moi, trop d’impôt tue l’impôt et trop d’austérité est signe avant-coureur d’une crise inéluctable. Ces deux mesures amputent les budgets de l’Etat, de l’entreprise et des marmites. 

Force est de signaler que la politique de réduction des salaires et de l’effectif des salariés de l’Etat est loin d’exaucer les espoirs de croissance et de développement pour la Mauritanie. 

De telles options sont probablement recommandables pour un pays industrialisé comme la France. Mais l’environnement économique et social, en Mauritanie, est beaucoup plus complexe et fragile et l’importation mécanique de ces manœuvres ne peut résoudre sa problématique de progrès. 

La Mauritanie doit tracer son propre chemin. Qu’elle ne suive pas, à la lettre, les recommandations copiées/collées des autres nations ! Les solutions qui fonctionnent en France sont, en général, sans effets ou à effets inverses, quand elles sont appliquées en Mauritanie. Plusieurs facteurs sont en cause, comme le niveau de vie, le secteur privé, la justice, la culture…

Mettons, enfin, les points sur les « i ». Il ne s’agit, pour vous, que de réduire l’effectif des salariés du bas de l’échelle. Ils sont, au demeurant, très peu payés et c’est envoyer à la misère un nombre important d’entre eux. Est-il utile de signaler que c’est parce qu’ils n’ont pas les moyens de se défendre qu’on s’en prend à eux ? Le sûr est qu’en général, ils n’ont ni les qualités ni les armes pour intégrer un secteur privé encore dormant dans son berceau.

Réduire les salaires ou l’effectif des salariés, dans un pays de bas niveau de vie et de secteur privé quasiment inexistant, c’est pousser les ménages à consommer moins et, donc, les entreprises à produire moins. Si les entreprises ne produisent pas assez, pour garder leurs employés, elles vont les licencier. Et l’on aura, au final, non seulement un Etat qui met au chômage mais aussi des entreprises qui mettent à la porte leurs employés ou, pire, ferment leurs portes. 

Ces mesures catastrophiques espérant réduire les dépenses de l’Etat et obtenir une relance basée sur les investissements publics, par le biais de sommes microscopiques cotisées, au prix du bonheur d’une bonne partie de la société, risquent de plonger l’Etat dans une crise de confiance. On comprend la réticence des investisseurs.

Comment pourraient-ils juger rentable d’investir en Mauritanie, alors que les consommateurs locaux n’ont pas de quoi s’offrir quoi que ce soit ? Un argument d’autant plus aggravé par la difficulté d’accès à une main d’œuvre de qualité et la corruption, toujours endémiques. 

En conclusion, ouvrir le robinet du crédit, protéger la propriété intellectuelle, régulariser le marché sont, sans doute, des facteurs autrement plus pertinents qu’il faut prendre en compte très rapidement. Jouer sur les paramètres intérieurs, comme les ajustements structurels et les compressions budgétaires, ne va pas beaucoup aider.

La solution se trouve à l’extérieur et dans la diplomatie politico-économique. Il faut encourager les bailleurs de fonds à investir et s’installer en Mauritanie. Et s’éloigner de tout ce qui est en rapport avec l’austérité car son effet s’évanouit rapidement, sans donner les résultats escomptés.

Habib Hamedi

Ingénieur d’Etat et chômeur